La couleur des aliments de la théorie à la pratique Coll. Sciences et techniques agroalimentaires
Coordonnateurs : JACQUOT Muriel, FAGOT Philippe, VOILLEY Andrée
Directeur de Collection : MULTON Jean-Louis
L'objet de cet ouvrage collectif est de faire le point des connaissances et expériences en matière de recherches et d'applications de la couleur dans l'univers des aliments.
Première synthèse globale sur le sujet, La couleur des aliments, rassemble les contributions de 50 spécialistes de divers horizons scientifiques. Dans cet esprit de transdisciplinarité, l'ouvrage La couleur des aliments a été élaboré selon 3 grandes parties : Comprendre - Évaluer - et Innover cherchant à montrer la diversité et l'originalité des recherches auxquelles les laboratoires français ont largement contribué au développement depuis plusieurs décénnies.
Le lecteur trouvera dans La couleur des aliments, les fondamentaux (biochimie, biologie, chimie et physique de la couleur) associés à des illustrations présentant des études de cas récents, sans négliger les aspects de toxicologie, de réglementation et de santé. Les applications de marketing, de design sensoriel et de psychosociologique de ces connaissances complètent ce panorama dans un sens d'ouverture.
« La Couleur est un élément vital, essentiel, comme l’eau et le feu ;
c’est une matière utile comme le blé. Un rouge, un bleu,
c’est l’équivalent d’un bifteck et c’est aussi nécessaire.
L’on ne peut vivre sans elle.
Fernand Léger
On ne saurait mieux résumer l’importance de la couleur dans la vie des hommes,
qui ne se révèle à la conscience que lorsqu’on en est privé. La couleur agit sur
la psyché. Ainsi la tristesse des jours gris nous rend moroses alors qu’un rayon
de soleil qui se glisse sous la porte suffit à alléger le poids du jour. L’association
couleur-aliments fait partie du rapport intime que nous entretenons avec notre environnement,
elle gouverne pour une part le choix de notre nourriture et la sensation
que nous en éprouvons. Nous mangeons en couleurs tout autant qu’en saveurs. Sur
tous les marchés du monde, quelles que soient les traditions culinaires ou les conditions
climatiques, les verts, les rouges, les jaunes, les violets, les oranges ou les
blancs se côtoient, s’interpellent et se rehaussent, formant des palettes de tons vifs
qui ont inspiré les plus grands peintres.
Cette proximité entre la couleur et l’aliment se révèle au travers du grand
nombre de mots empruntés au domaine des fruits et légumes pour nommer les
teintes : les termes aubergine, prune, pêche, figue, orange, mandarine, miel, safran,
paprika, chocolat, marron, saumon, poivre, rouge cerise, rouge framboise, abricot,
mangue, épinard, lie de vin, vert pomme, jaune citron… ont été récupérés dans les
domaines du textile, de l’ameublement, de la mode, du design ou de l’automobile.
Dans toutes les civilisations, manger est un plaisir et, particulièrement en
France, le repas est un moment de convivialité qui fait partie d’un certain art de
vivre. Manger des yeux ajoute à ce plaisir. C’est parce que la couleur est indissociable
de notre relation à l’aliment que les colorants ont de tout temps été présents
dans notre univers culinaire, pour exciter notre envie. Mais la gourmandise,
dénoncée par la religion, est le luxe des populations rassasiées. Ainsi, on rapporte
que pendant les périodes de disette qui sévissaient souvent au Moyen Âge, les
clercs de l’église condamnaient l’usage des colorants en cuisine. Il fallait éviter de
rendre la nourriture attrayante et comme le dit Harpagon, « manger pour vivre et
non pas vivre pour manger ». La chère se devait d’être triste… Mais peut-on interdire
aux cerises d’être rouges ?
Notre mode de vie, au xxie siècle, accorde une place prépondérante aux aliments
manufacturés et standardisés, tandis que les produits de la nature sont eux-mêmes
normalisés, calibrés, domestiqués. Dans l’éventail pléthorique de nourriture offerte
à notre convoitise, les yeux sont les outils de mesure de notre cerveau qui juge,
évalue et choisit, au moment de l’achat. Dès lors, il n’est pas étonnant que les
problèmes d’apparence soient primordiaux et prennent souvent le pas, pendant la
mise au point des produits, sur les aspects gustatifs. L’aliment doit avoir « la bonne
couleur », celle qui est supposée nous garantir le plaisir sensoriel, et malgré les
déceptions que nous avons pu éprouver antérieurement, nous revenons obstinément
vers l’abricot orange vif ou la tomate rouge vermeil.
D’après le sociologue Claude Fischler, « l’hommnivore » EST ce qu’il mange,
c’est-à-dire qu’il s’approprie les qualités qu’il prête à son alimentation (la force et
l’énergie de la viande rouge par exemple). D’où notre défiance si nous ignorons
de quoi sont faits nos aliments ou si nous suspectons certains ingrédients d’être
préjudiciables à notre santé. Ainsi les décennies précédentes ont été secouées
par des crises de confiance du consommateur : veaux aux hormones, vache folle,
OGM… et on se souvient de la chasse aux colorants de synthèse pratiquée au cours
des années 1970. En général, le feu s’éteint assez rapidement mais il couve sous
la cendre et peut repartir. Ainsi ces dernières années ont vu surgir des interrogations
liées à une éventuelle liaison entre la consommation de certains colorants et
l’augmentation des cas d’hyperactivité chez les enfants. Pour redorer leur blason,
les industriels ont été contraints de surfer sur la vague du naturel et de mettre en
avant des molécules colorantes jouissant d’une bonne réputation. Les anthocyanes
et les caroténoïdes ont ainsi été propulsés (provisoirement ?) dans la catégorie très
convoitée des ingrédients à effets bénéfiques.
Mais ces préoccupations sont celles des sociétés pléthoriques. Les questions
actuelles posées par le devenir écologique incertain de la planète, la surconsommation
des pays riches au détriment des pays les plus pauvres, le développement
ultrarapide des pays émergents à forte population, le souci d’une agriculture moins
intensive pour préserver l’environnement vont-ils changer la donne ?
Les promoteurs du livre « La Couleur des aliments » ont voulu relever un
défi. Il n’existait en effet pas à ce jour d’ouvrage en français entièrement dédié à
ce domaine. Le livre se donne pour objectif d’analyser les différents angles sous
lesquels la couleur intervient en alimentation. Or le champ est immense, il englobe
les aspects physiques et chimiques ainsi que la physiologie de la vision colorée
et les neurosciences, permettant de comprendre la nature de la couleur et de sa
perception par l’homme, mais également l’impact de la technologie et des procédés
de fabrication ou de conservation des aliments, les aspects sensoriels, la mesure,
le marketing, la réglementation et les aspects santé, sans oublier la gastronomie.
Tous ces domaines sont abordés dans le livre. Au final, cela donne un ouvrage très
dense, où chaque auteur apporte sa pierre à la construction d’un édifice à multiples
facettes.
Il faut souligner le côté didactique de ce livre dont la construction repose sur
trois grandes parties : Comprendre/Évaluer/Innover, chacune divisée en plusieurs
sous-parties. Des articles de fond explorent chacun des grands thèmes et sont
illustrés par des études de cas ou des témoignages ciblés. On pourrait ainsi à
l’infini ajouter d’autres champs d’expérience, chaque produit constituant un modèle
unique. Mais nous sommes en France, et ce n’est pas un hasard si une grande place
a été faite au vin…
L’originalité de ce livre est d’avoir donné la parole à des professionnels appartenant
à des horizons divers : universitaires et chercheurs, médecins, syndicat professionnel,
ingénieurs en marketing, industriels, designers, cuisinier… Ceci crée une
large palette de points de vue et… certaines ruptures de ton.
Cet ouvrage s’adresse à tous ceux qui s’intéressent à la démarche des industriels
et des chercheurs de l’alimentaire dans la conception, le contrôle de qualité et la
valorisation des produits, et aux stratégies marketing qui sont mises en oeuvre pour
tenter de séduire et de « réenchanter » un consommateur étudié à la loupe, fouillé
dans son moi intime mais qui reste inconstant.
Claudette Berset
Philippe Fagot, consultant en management de la couleur, développe des programmes de culture d’entreprise pour la mise en œuvre de politiques d’innovation tous secteurs industriels confondus. Il a été pendant 10 ans administrateur du Centre français de la Couleur et a coordonné le congrès AIC Mondial Couleur de 1985.
Andrée Voilley, professeur des universités émérite à AgroSup Dijon et université de Bourgogne, est membre de l’Académie d’Agriculture.
Date de parution : 10-2011
Ouvrage de 512 p.
15.5x24 cm