Les nouveaux schémas directeurs des SI Gouvernance, valeur et stratégie Coll. Management & informatique
Auteurs : LEGRENZI Christophe, GAPAILLARD Catherine
Directeur de Collection : MANSON Nicolas
Les systèmes d’information sont devenus le moteur de la transformation de notre société et de nos entreprises : l’enjeu majeur est de réussir cette mutation numérique pour entrer véritablement dans l’ère de l’information et des services. Pour pouvoir bénéficier pleinement de ces innovations technologiques, il est fondamental de disposer d’une vision à moyen ou à long terme des besoins de nos organisations.
Les entreprises les plus performantes possèdent un niveau de maturité en gouvernance informatique plus élevé que les autres. La stratégie, matérialisée par le schéma directeur, et la capacité à mesurer la valeur des projets liés au SI, sont devenues incontournables pour optimiser la contribution des nouvelles technologies de l’information et de la communication à la compétitivité et à la modernisation de nos organisations. Cet ouvrage analyse de manière simple les concepts de gouvernance, de stratégie et de valeur. Il présente des méthodes et des outils pragmatiques pour élaborer un schéma directeur pertinent, évaluer la maturité de son organisation et construire un portefeuille de projets innovants.
Les auteurs nous invitent à accorder au schéma directeur le rôle qui lui revient, au service de la performance et la compétitivité des organisations. Le système d’information présent dans tous les métiers de l’entreprise a en effet besoin d’être légitimé dans sa contribution déterminante à la création de valeur. Ils développent les perspectives, le rôle et le positionnement de la DSI en intégrant la dimension stratégique.
A l’instar de mes premiers travaux au début des années 1980, Christophe Legrenzi et Catherine Gapaillard confirment l’importance de l’évaluation de la maturité sur une échelle à trois niveaux. Cette typologie reste encore une référence trente ans après, comme l’attestent les auteurs, même si le périmètre de l’organisation s’étend. Les auteurs expliquent également la manière dont la stratégie de positionnement et la chaîne de valeur sont intimement liées aux enjeux managériaux de l’entreprise, mais à des degrés divers selon le niveau de maturité.
L’organisation et la mise en œuvre du schéma directeur représente, à partir du chapitre 7, un tournant de cet ouvrage, autour de trois piliers : la Direction générale, les métiers et la DSI. La dynamique des instances décisionnelles permet de s’unir dans la conduite du changement autour des variables-clés, des enjeux et des leviers. Le moment est en effet venu de prendre toute la mesure des innovations technologiques et leurs impacts sur la gouvernance des SI. Les piliers de la gouvernance informatique (ITGI) et l’apport d’ISO 38500 qu’ils présentent nous invitent par ailleurs à tendre vers « un référentiel unifié » et à repenser la gouvernance de l’information dans son ensemble. Les auteurs affirment que la contribution de la Direction des systèmes d’information (DSI) à la création de valeur de l’entreprise dépend donc de l’orientation de la stratégie en associant les systèmes d’information et de communication à la transformation de l’organisation.
Soulignons à ce niveau que nous traversons des crises et les temps sont incertains. Si la crise cache en son sein les clés de nouveaux modèles de développement qui ne demandent qu’à être découverts, les menaces qui mettent en danger l’entreprise sont à la fois endogènes et exogènes. Elles sont endogènes dès lors que les responsables jusqu’au plus haut niveau ne prennent pas à temps toute la mesure des impacts de l’économie numérique. Elles sont exogènes, car l’innovation pénètre par l’extérieur et sans prévenir le cœur de l’offre de service, mais si on est dans le déni, tôt ou tard la stratégie d’entreprise sera en porte-à-faux par rapport à l’inévitable mutation radicale du travail, de l’emploi et des métiers.
Beaucoup attendent alors du schéma directeur ce qu’il ne peut donner. Ils risquent d’être désillusionnés dès lors que les transformations qui y sont préconisées atteignent rapidement leurs limites aussi bien structurellement que culturellement, car la « maison est bloquée » (inerties, oppositions, etc.) jusqu’au moment où elle « brûle »… Tout le monde se tourne vers les décideurs de plus haut niveau. Or la Direction générale, au sein d’une organisation globalisée, même si elle est engagée aux côtés des parties prenantes et des parties concernées, a son propre seuil à partir duquel elle n’a plus tous les leviers du pouvoir pour décider de ce qu’il convient de faire. Un patchwork de cultures, d’intérêts particuliers, d’interactions continues et complexes entre les individus supplante alors les synergies collectives, chacun cherchant alors dans les basiques de sa spécialisation les remèdes à une crise qui aurait pu, au contraire, servir de tremplin pour faire converger les visions. Il faut aussi souligner le fait que le schéma directeur trace la trajectoire pour aller de l’avant vers la compétitivité. Mais cette trajectoire est sinueuse, ce que les fervents de « l’alignement stratégique » rigide ne veulent pas toujours admettre. En revanche, si on admet des ajustements mutuels souples du SI, de l’organisation et de la stratégie d’entreprise, la volonté exprimée dans le schéma directeur encourage la réalisation d’avancées positives. Les exigences subsistancielles peuvent parfois aller jusqu’à supplanter la vocation existentielle des missions fondamentales de l’entreprise, comme le mentionnent les auteurs. Les solutions préconisées posent alors la question de l’identité même de l’entreprise qui est modifiée. Il faut donc dans ces cas revenir à la case départ et effectuer un travail généalogique sur les fondations.
La tentation est grande de mimer les autres et de se lancer à corps perdu dans un flot d’innovations et de construction de besoins qui n’existaient pas hier et d’inscrire ces projets et ces investissements dans le schéma directeur. Il s’agit alors d’opérations à court terme, mais la question des coûts n’est qu’une variable parmi d’autres, comme la quête d’excellence par la qualité, le respect des engagements, la culture de l’innovation responsable ou la performance durable. Les auteurs confirment que les investissements sont d’abord orientés « par rapport à une mission, une volonté, un positionnement et une intention stratégique, pas pour économiser des coûts à court terme ». L’entreprise ne peut pas en effet seulement assurer sa continuité et se contenter de rouler en « veilleuse », le nez dans le guidon du court terme. Il faut en même temps allumer « les phares » pour voir loin et innover en particulier sur un terrain chaotique marqué par des multicrises où « l’improbable » surgit de nulle part.
Or pour voir loin, il faut être en mesure de penser ensemble l’avenir afin d’éclairer la stratégie présente. Cet exercice exige du temps et certaines capacités. Le temps gagné en anticipant dès l’amont mûrit les esprits pour identifier les opportunités, comprendre comment transformer les inconvénients en avantages pour s’adapter, et fait perdre moins de temps « chemin faisant ». De ce fait, les opportunités sourient souvent aux organisations qui sont prêtes. La complexité de la pensée stratégique et politique, qui est la pierre angulaire du schéma directeur des SI, consiste donc à étaler l’actualisation du schéma directeur sur la durée afin de faire de celle-ci une succession de moments privilégiés de communication pour grandir ensemble et professionnaliser les rapports SI/métiers/DG. On pourra y comprendre ensemble que le défi du numérique et la mondialisation sont des chances à saisir et qu’il faut aller plus loin que les SI traditionnels. Au lieu de subir le schéma directeur, il devient alors possible à chaque acteur de le porter. Un schéma directeur permet ainsi un cadrage collectif qui sert l’intérêt général et nourrit une feuille de route évolutive.
Une intégration stratégique et politique de toutes les parties prenantes et celles concernées dans ce processus de transformation n’est possible que si la méthode est partagée, la discipline respectée et la convergence assurée tout en libérant l’énergie créatrice. C’est ce qu’il y a de plus difficile à mettre en œuvre. Il faut y éviter la confusion des fins et des moyens. Chaque projet doit être motivé par un sens. Le multiple et la variété se regroupent alors dans l’unité intelligible. L’innovation collaborative dans la mobilité y fait alors découvrir que les modèles rationnels sont en réalité irrationnels et qu’il faut porter son attention sur le syllogisme de l’action au contact des spécificités du terrain pour faire émerger de nouveaux modèles. Dans ce cadre, chaque équipe projet tient le cap dès lors que l’empathie SI/métiers, fait de cette union, une force.
Ancien Directeur de l’IMI
Institut du management de l’information de l’Université
de technologie de Compiègne
Consultant et animateur de séminaires
Catherine Gapaillard a assuré la fonction de responsable des systèmes d’information dans un groupe de protection sociale. Ingénieure de l’EPF, elle a mis en oeuvre de nombreux schémas directeurs et a travaillé sur les concepts de Gouvernance SI, de PMO et d’analyse de processus au sein de grands cabinets de conseil.
Date de parution : 10-2013
Ouvrage de 360 p.
15.6x23.4 cm
Nouvelle édition en préparation