Simples militants Comment les partis démobilisent les classes populaires
Langue : Français
L'abstention, la montée des votes protestataires ou les « Gilets jaunes » constituent autant de symptômes d'une coupure entre les classes populaires et les partis. Contre les lectures simplistes, à partir d'immersions prolongées dans trois organisations (Front National, Union pour un Mouvement Populaire et Jeunes Communistes), l'ouvrage interroge comment les partis participent eux-aussi à démobiliser les plus modestes. Les militants rencontrés sont souvent ouvriers, employés, sans-emplois, précaires ou étudiants issus de ces milieux. Ils habitent en banlieue ou en milieu rural et s'impliquent dans les sections locales. De réunions en congrès, de campagnes électorales en événements internes, ils se heurtent à des dispositifs élitistes, qui les empêchent d'accéder aux responsabilités : ils sont et resteront de « simples militants ». En observant leurs engagements non-professionnels, l'enquête met au grand jour leurs parcours, leurs doutes, leurs pratiques « de terrain » et leurs lectures sélectives des programmes. Les militants populaires se révèlent ainsi des témoins privilégiés des fractures grandissantes entre les citoyens et les représentants, les classes populaires et les classes aisées, « ceux d'en bas » et « ceux d'en haut ».
INTRODUCTION Une étude par le bas des partis politiques Une sociologie comparée de la politisation populaire Une contribution à l'analyse des rapports de classes en milieu militant Une ethnographie multisituée des militants subalternes PREMIÈRE PARTIE Des partis en milieu populaire CHAPITRE 1. Des soutiens de l'UMP en banlieue parisienne 1. Militer à droite dans une banlieue de gauche 2. Des jeunes bourgeois qui veulent faire carrière en politique Un rapport distancié à l'engagement 3. Les « vrais habitants de granin » : une petite élite autochtone Alain, un petit patron « qui a réussi mais qui reste simple » Un ethos populaire et viriliste ancré dans le pôle économique Un rapport ambivalent aux immigrés et aux quartiers populaires 4. Fréquenter « les gens bien » pour conjurer les déclassements Des classes populaires qui regardent vers le haut Afficher une respectabilité à toute épreuve 5. Des engagements à droite forgés dans le conflit : les « Blancs conservateurs » Les bons travailleurs contre la gauche Enfermés en banlieue CHAPITRE 2. Des militants frontistes en milieu rural 1. Militer FN dans une petite ville où « tout le monde se connaît » 2. Des classes moyennes en quête de notabilité « On nous félicite pour notre gentillesse » : un positionnement municipal consensuel 3. Des ouvriers en quête de radicalité Pascal, un ouvrier qui « respecte le travail » Résister à la dédiabolisation ? 4. Des précaires en quête de respect Lisa et Cindy, des candidates frontistes « qui galèrent » CHAPITRE 3. Des « jeunes des quartiers » parmi les étudiants communistes 1. Le public populaire d'une université « critique » 2. Porter la parole des quartiers : les « leaders banlieusards » Léonce, ou l'expérience des petites différences Des passeurs entre les militants et les « jeunes des quartiers » 3. Apprivoiser l'université dans un entre-soi populaire : les « banlieusards » Des adhésions sélectives aux normes des JC : le cas de Mélissa Des socialisations politiques « ratées » : l'exemple de Youssouph 4. Des « enfants de militants » au contact de la jeunesse populaire Une bonne volonté culturelle inversée ? Parler politique sans en avoir l'air 5. Des « étrangers » entre aisance familiale et précarité contextuelle Une bonne volonté culturelle plus traditionnelle Sans-papiers ou gosse de riche ? L'exclusion d'Omar SECONDE PARTIE Des témoins des fractures sociales et politiques CHAPITRE 1. Des interprétations sélectives de la doctrine 1. Une distance générale aux enjeux théoriques « Quand on connaît l'histoire du coin, on peut pas être pour les nazis » : des engagements frontistes ordinaires « On fait avec les contradictions de notre milieu » : les pratiques de composition des Jeunes Communistes « À droite, on ne fait pas d'idéologie » : l'évitement des débats abstraits par les adhérents de l'UMP 2. Des imaginaires partisans qui façonnent les représentations ordinaires « Du côté des gens bien » : la conscience sociale légitimiste « Au-dessus, ils nous baisent » : la conscience protestataire Le FN, un parti « social » ? La conscience triangulaire 3. Des lectures du programme filtrées par les antagonismes du quotidien Se distinguer des « gauchistes » pour défendre un style populaire Les « étrangers » des frontistes La xénophobie concurrentielle des soutiens précaires L'ethnocentrisme sélectif des militants ouvriers Des adhérents FN qui « font la part des choses » Le double discours des cadres « respectables » Le conservatisme pratique des militants de l'UMP La gauche sociale contre le mérite Critiquer la bohème plus que les bourgeois CHAPITRE 2. Des organisations élitistes 1. L'UEC Vigny, du rendez-vous réussi au rendez-vous manqué Ne pas se sentir à sa place dans les congrès Des militants JC « qui ne font pas de politique » ? 2. Le FN, un parti comme les autres ? Des candidats frontistes qui « présentent plus ou moins bien » L'épuisement des cadres locaux 3. « À l'UMP, chacun reste à sa place » Un ordre partisan naturalisé Extrémisme populaire et anticonformisme bourgeois ? CONCLUSION. Comment démobiliser les classes populaires Des pratiques militantes qui excluent les moins dotés Un rapport populaire au militantisme qui reflète des séparations culturelles Des formes de sélection sociale qui varient selon les partis Épilogue Annexe méthodologique
Raphaël Challier est docteur en sociologie et membre du Cresppa-Gtm. Il a notamment coordonné le numéro « En bas à droite » de la revue Politix, et publié plusieurs articles sur le militantisme, les classes populaires rurales et urbaines et les Gilets jaunes.
Date de parution : 04-2021
Ouvrage de 384 p.
12.5x19 cm
Thème de Simples militants :
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