Troubles psychiques et comportementaux de l'adolescent Coll. Psychiatrie
Coordonnateur : DUVERGER Philippe
Directeur de Collection : OLIÉ Jean-Pierre
Soucieux d’une ouverture sur les différents troubles qui peuvent affecter le processus qu’est l’adolescence, sur la diversité des approches thérapeutiques et sur le public concerné, l’ouvrage s’organise autour de cinq axes :
• les aspects psychiques et comportementaux propres à l’adolescence ;
• les interactions entre l’adolescent et son environnement (famille, école, médias…) ;
• les spécificités psychopathologiques de cet âge (crise, passage à l’acte, conduite suicidaire, retrait ou repli sur soi…) ;
• les pathologies rencontrées à l’adolescence, en distinguant celles ayant débutée dans l’enfance et se poursuivant à l’adolescence de celles commençant à l’adolescence
• la prise en charge psychothérapique.
Réunissant des auteurs réputés pour leur implication auprès des adolescents, l’ouvrage s’adresse aux psychiatres et pédopsychiatres en charge des adolescents, mais aussi à tous les partenaires engagés auprès de ceux-ci (enseignants, éducateurs…).
Aspects psychologiques et comportementaux
1. Adolescence, crise et processus : aspects psychologiques
2. Adolescence et neurosciences : aspects neuropychologiques
L’adolescent et son environnement
3. L’adolescent et sa famille. L’adoption
4. L’adolescent et l’école. Harcèlement scolaire
5. L’adolescent et la loi. Adolescents « difficiles »
6. Figures sociales de l’adolescent
7. L’adolescent et les médias sociaux
8. Adolescence et société multiculturelle
Spécificités psychopathologiques
9. Situations de crise, passages à l’acte et violences
10. Conduites à risque, attaques du corps (scarifications)
11. Conduites suicidaires et suicides
12. Comportements de retrait, repli et claustration
Les pathologies de l’adolescent ayant débuté dans l’enfance
13. Adolescence, autisme et TED
14. Trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité
15. Troubles psychosomatiques, impacts psychiques des maladies somatiques chroniques
Les pathologies de l’adolescent débutant à l’adolescence
16. Troubles des conduites alimentaires
17. Addictions à l’adolescence
18. Troubles délirants et schizophrénie
19. Idéations dépressives et dépressions. Troubles bipolaires
20. États limites et borderline
21. Phobies scolaires et refus scolaire anxieux
Aspects psychothérapiques
22. La consultation avec l’adolescent
23. Psychothérapie et adolescence
24. Champs thérapeutiques à l’adolescence, soins médiatisés
Ce nouveau traité publié sous la direction de Philippe Duverger montre qu’une nouvelle génération est à la manœuvre. On le sent par la distribution même des chapitres, les thèmes abordés, une indéniable ouverture sur la diversité des approches thérapeutiques mais aussi par le public concerné avec une volonté d’impliquer les partenaires des psychiatres, enseignants, éducateurs et même parents.
En somme une psychiatrie soucieuse de sortir de son domaine réservé comme des controverses idéologiques qui ont marqué ma génération.
Il n’en est que plus remarquable de constater combien nous restons entravés par un vocabulaire hérité des siècles précédents et même d’une histoire de la « folie » et des maladies dites « mentales » qui n’a guère évolué depuis l’antiquité, du moins dans son vocabulaire de base avec tous les préjugés qu’il continue de véhiculer.
Est-il encore pertinent de différencier troubles du comportement et troubles psychiques tels qu’angoisses, phobies et obsessions en opposant ce qui serait de l’ordre de l’agir et ce qui serait de l’ordre de la mentalisation ?
C’est à cette génération de psychiatres en formation, à laquelle s’adresse ce livre, de dépasser les clivages anciens et de tirer les conséquences des apports qui ont marqué notre génération en particulier ceux fondamentaux des neurosciences, mais qui ne sauraient s’opposer à ceux de l’approche psychanalytique comme de la théorie de l’attachement, chacune relevant de son champ spécifique.
Il faut le dire : les maladies psychiatriques sont des maladies du cerveau et plus spécifiquement de la production et de la gestion du vaste spectre des émotions que nous avons hérité des animaux et sans lesquelles nous ne serions pas des êtres vivants. Elles dépendent donc de notre génome et de nos vulnérabilités. Mais ce sont les relations avec l’environnement et en particulier nos objets d’attachement qui suscitent nos émotions dans une co-construction permanente. Elles sont donc massivement environnement-dépendantes. Dépendance qui laisse des traces dans notre mémoire, d’autant plus fortes qu’elles sont plus précoces, plus intenses et moins verbalisées. Notre génome est à son tour en partie environnement-dépendant. C’est tout le domaine de l’épigenèse dont on découvre l’importance, l’étendue et l’extrême plasticité. Génétique et relation interhumaine non seulement ne s’opposent pas mais sont en constante interaction. Pour les pathologies les plus importantes, tel le spectre de la schizophrénie, le modèle des maladies de système pourrait s’appliquer, comme celui des maladies auto-immunes ou plus simplement celui de l’hypertension artérielle. On hériterait d’une vulnérabilité plus ou moins importante dont l’expression serait plus ou moins favorisée par le contexte émotionnel de la famille et de l’environnement social dans lequel vit la personne.
Les maladies psychiatriques peuvent être vues comme des conduites adaptatives en réponse à un vécu de danger qui menace notre équilibre psychique qu’il me semble plus approprié de qualifier d’ « homéostasie psychique » par analogie avec les autres systèmes autorégulés de l’organisme. Ce qui est pathogène, c’est le degré de contrainte émotionnelle qui oblige à mettre en œuvre comportement ou croyance, qui en redonnant une position active au sujet le rassure et emporte son adhésion. Croyances et comportements ont valeur d’actes et redonnent au sujet le sentiment rassurant d’être redevenu acteur de sa vie, ce pourquoi chacun est programmé. Cette menace sur l’homéostasie psychique peut être vue comme l’équivalent d’une menace sur le territoire pour l’animal, et provoque les mêmes réactions émotionnelles. La conscience réflexive qui est le propre de l’homme a pour effet d’étendre de façon exponentielle notre territoire. Fait territoire pour nous tout ce à quoi nous attachons de la valeur : des personnes aimées, des croyances, jusqu’au club de foot. Ceci rend compte de l’extrême diversité de ce qui fait valeur pour les êtres humains, mais aussi du caractère stéréotypé et par là même pauvre, souvent violent et démesuré des réponses émotionnelles.
Vu du côté du sujet, la pathologie dite mentale est moins folle qu’on ne le croit de l’extérieur, puisqu’en rassurant, au moins au début, elle entraîne l’adhésion, et c’est vrai qu’en agissant ainsi, le sujet se sent sinon mieux, ou du moins, moins mal. Le trouble n’en reste pas moins pathogène dans la mesure où toutes ces conduites se caractérisent par une forme de destructivité, c’est-à-dire de rupture du lien dans au moins un des trois domaines nécessaires aux échanges, prendre soin de son corps, développer ses compétences et sa sociabilité. On passe du pathogène au pathologique quand ces conduites s’installent et privent la personne des apports qui lui permettraient d’évoluer et de se construire, la rendant ainsi de plus en plus fragile, menacée et contrainte de s’enfermer dans ces attitudes.
C’est le regard porté sur la maladie mentale qui peut et doit enfin radicalement changer avec la génération des psychiatres à venir. La maladie dite mentale est une pathologie du cerveau et plus spécifiquement de la gestion des émotions. Cette évolution est peut-être déjà plus perceptible dans le monde anglo-saxon, comme l’a fait remarquer Colette Chiland avec la différenciation entre brain et mind. Le mind, c’est notre capacité réflexive. Ce n’est pas elle qui est atteinte dans la pathologie psychiatrique, mais elle est indirectement affectée, comme elle l’est chez chaque être humain quand les passions, c’est-à-dire les émotions, l’emportent sur la raison.
L’appellation de fou ou de folie doit disparaître de notre vocabulaire, tout comme celles de psychose et de névrose, trop connotées négativement. Parler de troubles bipolaires n’a pas le même impact stigmatisant que celui de psychose maniaco-dépressive.
On ne choisit pas d’être malade, pas plus qu’on ne choisit ses émotions et son tempérament. En revanche, on peut choisir ce qu’on en fait quand on est en état de pouvoir se distancer de ses émotions. Cela est vrai bien audelà du seul cas des dérèglements manifestes. Les pathologies psychiatriques sont un miroir grossissant de ce que nous sommes. L’histoire est là pour nous apprendre que les plus grandes « folies » humaines ne sont pas celles liées à ce qu’on appelle la maladie mentale. Je forme le vœu que ce traité riche, divers, à la fois bien documenté et ancré dans la pratique clinique, ait le succès qu’il mérite et contribue à changer en profondeur l’image des pathologies psychiatriques.
Professeur Philippe Jeammet
Date de parution : 01-2017
Ouvrage de 248 p.
17x24 cm